Grèce : LES NOTES DU COMPROMIS SONT TROUVÉES, MAIS PAS LES PAROLES, par François Leclerc

Billet invité.

En prévision de la réunion d’aujourd’hui de l’Eurogroupe, Alexis Tsipras a réuni son cabinet durant 8 heures ce week-end, mais rien n’en a transpiré. Seules des rumeurs ont circulé, laissant entendre que le gouvernement pourrait ne pas payer la prochaine échéance de remboursement du FMI du lendemain, ce qui ressemble fort à une pression destinée à obtenir des autorités européennes qu’elles donnent du mou dans la laisse. « Il faut montrer que les choses avancent » a déclaré Michel Sapin, ne donnant à la réunion que des objectifs limités.

Il est opportunément rappelé que, selon la procédure du FMI, un éventuel défaut de payement ne serait constaté qu’au bout d’un délai d’un mois, et que celui-ci est d’ailleurs mentionné dans les accords entre le gouvernement grec et le Fonds européen de stabilité (FESF). En cas de non payement, une période serait ouverte si Athènes décidait de jouer sa dernière carte. Car Alexis Tsipras, en référence au ballet des rencontres et des coups de téléphone de la semaine passée, a fait valoir devant le Parlement, que « nous avons fait ces derniers jours tout ce qu’on pouvait pour arriver à la conclusion d’un accord honnête et utile avec les créanciers ».

Jeudi soir dernier, Yanis Varoufakis avait auparavant indiqué qu’un accord avec les créanciers pouvait inclure « les privatisations, la limitation du nombre des pré-retraites, de nouvelles règles sur la TVA et la création d’une Autorité indépendante en charge de la collecte des impôts ». Selon des fuites dans la presse, cela pourrait également comprendre l’unification des caisses de retraite, la hausse de la TVA sur les produits de luxe et le report d’un an de la suppression de la taxe sur l’immobilier adoptée par le précédent gouvernement. Mais la liste exacte des mesures n’est pas connue et semble encore à géométrie variable.

Dimanche, Euclide Tsakalotos – le nouveau négociateur – avait sans entrer dans les détails déclaré que la Grèce et ses créanciers étaient « très proches » d’un accord, faisant porter la responsabilité de la conclusion des négociations sur ces derniers en précisant « si l’autre partie le souhaite ». Car les deux parties restent « politiquement éloignées » sur les sujets épineux de la réforme du travail et des retraites, qui « resteront ouverts jusqu’à la dernière minute ». Le compromis que les Grecs recherchent n’a rien d’une capitulation.

Insensiblement, le sujet de la dette vient sur le tapis. Le FMI ayant ouvert le ban, il ne peut plus être repoussé à plus tard. Jeroen Dijsselbloem a reconnu l’évidence : la soutenabilité de la dette est liée aux réformes destinées à dégager et accroitre un excédent primaire. Mais il introduit désormais un distinguo entre un effacement de la dette, « politiquement impossible », et un allégement qui « n’est pas tabou ». À force d’allonger les délais de son remboursement, si on le comprend bien, on ne sera pas loin de la dette perpétuelle ! Le mécanisme proposé par Yanis Varoufakis, qui liait remboursement et croissance constatée (et non pas prévisions d’excédent budgétaire irréalistes), avait le mérite de s’inscrire dans une logique économique tout en tenant compte du tabou politique.

Mais n’anticipons pas. Conscients de jouer la fin de la partie, les adversaires jouent les nerfs et c’est à qui flanchera en premier. Avoir le dos au mur devient un avantage quand cela permet de s’y appuyer : les derniers sondages grecs privilégient un accord plutôt qu’une rupture, tout en proscrivant le franchissement des lignes rouges. Reste à le mettre en musique sans transgressions prononcées.